Yatma diaw, «Me Ndiaye ne doit pas avoir cette vision rétrécie »

Le président de l’ASC Ville de Dakar, Yatma Diaw, est revenu sur le doublé de ses deux équipes masculin et féminine en National 1. Dans cet entretien, il a évoqué les compétitions africaines : Basketball Africa League, la Women’s Basketball League Africa, et les objectifs du club, la saison prochaine. Par ailleurs, il a déploré la sortie du président de la Fédération sénégalaise de basket, Me Babacar Ndiaye, qui a dit dans un entretien que les succès du club reposent sur les moyens.
Président, l’ASC Ville de Dakar vient remporter les cham‐pionnats du Sénégal en garçons et en filles. Quelle lecture faites‐vous du parcours des deux équipes ?
D’abord, vous me permettez de féliciter les staffs techniques des filles et des garçons. Ils sont les grands artisans de ces résultats. C’est un travail acharné et de longue haleine. Les filles dominent le basketball local depuis 6 ans. C’est un travail sur le long terme. Elles ont du mérite et je tiens à les féliciter. Les garçons ont conservé leur titre de champion et sont qualifiés pour la Basketball Africa League. Cela n’a pas été facile surtout après l’élimination de l’équipe à la BAL. Mais ils se sont remobilisés pour aller chercher ce 2ème titre. C’est important de rester sur cette dynamique victorieuse.
Est‐ce que Ville de Dakar prendra part à la prochaine Wo‐ men’s Basketball League Africa ?
C’est notre ambition. On a déjà écrit à la Fédération pour confirmer notre participation. On n’a plus rien à prouver sur le plan local. On a gagné six fois de suite le championnat. De ce fait, le club prendra part à la Women’s Basketball League Africa qui aura lieu en Égypte au mois de décembre. On va défendre les couleurs du Sénégal. L’ASC Ville de Dakar est un club sénégalais et les gens doivent comprendre cela. On re‐ présentera Dakar au‐delà des frontières du Sénégal.
«À la BAL, on a eu à faire des erreurs sur beaucoup de plans. On va apprendre de nos échecs. Comme
je l’ai dit, c’était notre première participation»
Les garçons vont retourner à la BAL. Comment allez‐vous vous organiser surtout après l’échec né de votre première participation ?
On va apprendre de nos échecs. Comme je l’ai dit, c’était notre première participation. On a eu à faire des erreurs sur beaucoup de plans. On le sait et on va rectifier pour avoir une meilleure prestation l’année prochaine. Ce qui est es‐ sentiel, c’est qu’on a appris. Aujourd’hui, quand on va repar‐ tir pour cette compétition, c’est sûr qu’on va emmagasiner de l’expérience. Cela va nous aider à avoir des résultats meil‐ leurs. La Conférence Sahara a été très relevée. Mais on a battu les deux meilleures équipes US Monastir et Petro de Luanda. Ce qui veut dire qu’il il y a aussi des acquis sur le plan sportif.
Donc, vous avez des regrets par rapport à la BAL…
Il y a aussi un match qu’on devait gagner, qu’on n’a pas pu gagner après les prolongations. Il suffisait simplement de ga‐ gner ce match pour partir (ndlr : contre Kriol Star). Tout n’est pas mauvais sur le plan sportif. Les gens aiment critiquer et jeter du discrédit. Quand tu es là, tu présentes le Sénégal, tu travailles pour le Sénégal, ce sont les Sénégalais eux‐ mêmes qui essaient de te couper ton moral. Ce qui est dé‐ sastreux dans ce pays. Les gens doivent être positifs et ê fiers des résultats que les autres font. Je pense que c’est ça qu’il nous manque aujourd’hui, c’est cette fierté de représenter le pays. Je n’ai pas d’ambition pour diriger ce basket. Je suis là pour travailler pour le sport, mais je travaille pour la ville de Dakar. Mais des fois il y a des positions, quand tu les en‐ tends, sincèrement c’est décevant.
Le coach des garçons Libasse Faye a été fortement décrié. Allez‐vous continuer avec lui, surtout après ce 2ème titre de champion consécutif ?
Non, ça c’est après l’évaluation qu’on va le déterminer. On est un club très organisé, il y a un directeur technique à la tête, après on va évaluer. Donc, on ne peut pas dire qu’on va continuer ou pas avec qui que ce soit. La saison n’est pas encore terminée. On fera une évaluation objective pour re‐ dresser et aller de l’avant.
Beaucoup disent que l’ASC Ville de Dakar gagne parce qu’elle a plus de moyens. Quel est votre avis là‐dessus ?
Avant ces résultats, les filles avaient perdu des finales. On travaillait pour atteindre ce niveau (ndlr : Ville de Dakar est revenue en N1 en 2010‐2011 après avoir été reléguée en 2009. Le club a gagné son premier trophée en 2017, c’était en Coupe du maire face au Jaraaf). Ce qui prouve que seul le
travail paye et qu’il n’y a pas que les moyens pour accéder à ces résultats. Je rappelle encore une fois que ce n’est pas que l’ASC Ville de Dakar qui met les moyens. Le club appartient aux agents municipaux de la Ville de Dakar. D’autres clubs ont dominé le basket par le passé avant nous. Ils avaient plus de moyens que nous. Je peux citer le Duc, l’ASFA, l’Université Gaston Berger, l’AS Douanes, l’AS Police, entre autres… On peut avoir des moyens sans gagner. Il faut un projet sportif, un travail de terrain et beaucoup de persévérance. Je pense que c’est ça qu’il faut saluer. Quand il y a des gens qui travaillent pour l’épanouissement du basketball pour permettre à ces jeunes de vivre de leur talent. Je crois que c’est le plus important. Mais je ne pense pas que tout ça se résume aux moyens détenus par un tel ou autre club.
«Ville de Dakar est une naine si on la compare avec Al Ahli Tripoli, APR, Petro Luanda, Al Ittihad,
Al Ahly, US Monastir ou Rwanda Energy Group»
À vous entendre parler, on sent une certaine colère…
Ce qui me fait mal, c’est cette vision rétrécie de l’investissement que la ville de Dakar fait pour le basketball. On n’est pas la seule collectivité locale au niveau du Sénégal. Au Sénégal, il y a plus de 600 et quelques collectivités locales. Ce que la Ville de Dakar fait par rapport au basketball, ça représente 0,001%. Le sport est une compétence transférée. Les communes doivent appuyer le sport, je l’ai toujours dit. Les gens devaient se féliciter de ça, mais malheureusement je constate que ce n’est pas le cas et c’est désolant. Ce qui est le plus désolant, ça vient même de la personne morale du basketball au préalable de la Fédération Babacar Ndiaye. Il devait être content que la ville de Dakar mette des moyens dans le basketball. Le président devait être content que la Ville de Dakar achète un tableau magnétique pour Marius Ndiaye. Il devait être content que la ville de Dakar appuie même l’équipe nationale lors de ses regroupements. Il devait être content que la ville de Dakar rénove le stade Marius Ndiaye. C’est désolant d’avoir cette vision rétrécie de ce que nous faisons pour le basketball Et le plus désolant, c’est que ça vient de la personne morale du basketball national. On va continuer à travailler parce que c’est notre passion.
«Les gens doivent accepter d’investir dans le sport pour aller de l’avant. On doit arrêter ce misérabilisme »
Ma référence, ce ne sont pas les clubs de quartier»
Vous acceptez ce statut de locomotive du basketball sé‐ négalais ?
Je rappelle que la ville de Dakar existe depuis les années 80. Avant, les gens ne parlaient pas parce qu’on était là et les autres clubs gagnaient. Mais quand on a repris le club, on a dégagé une stratégie qui nous a permis d’avoir ces résultats. Aujourd’hui, c’est une fierté pour tout Dakarois et pour tout agent municipal de s’identifier à cette équipe. Et le travail que nous faisons, on le fait pour Dakar. Parce que Dakar est la vitrine, la capitale du Sénégal. Si on parle du Sénégal, on parle de Dakar. Donc là, on va défendre les cou‐ leurs de Dakar et on va continuer à le faire. Que ça plaise aux gens, que ça fruste, en tout cas nous faisons ce que nous devons faire. Quand les autres gagnaient, ça ne posait pas de problème. Et pourtant, les autres, c’était des sociétés natio‐ nales. Nous, au moins, c’est la collectivité locale. Les autres doivent faire pareil pour leurs clubs. Que ça soit à Guédia‐ waye, Pikine, Thiès, Ziguinchor, Kaolack ou ailleurs. Bon, ils n’ont qu’à porter le nom de leur ville et venir. On porte fiè‐ rement le nom de Dakar parce que nous, nous travaillons à Dakar. Nous sommes des agents de la Ville de Dakar. Donc, ce que nous faisons, si les résultats suivent, c’est une fierté pour nous et on va continuer à le faire. Maintenant, les gens peuvent venir nous challenger sur le plan sportif et on va se battre pour toujours exister sur le plan sportif.
«Regardons devant au lieu de regarder derrière. C’est valable pour les autres disciplines. En Ligue
des champions, nos clubs de football n’existent pas»
On parle de moyens déployés par Ville de Dakar pour asseoir sa suprématie sur le plan local. Est‐ce que vous pouvez aujourd’hui rivaliser avec les grands d’Afrique ?
Les moyens sont relatifs. La ville de Dakar est une naine si on la compare avec Al Ahli Tripoli, Armée Patriotique Rwandaise, Petro de Luanda, Al Ittihad, Al Ahly, US Monastir ou Rwanda Energy Group, entre autres. Mais on veut bâtir un club fort et titiller ces grands. On ne dégage rien du tout en termes de moyens. Maintenant, si on veut être toujours des misérables, continuons à être des misérables. Je ne suis pas dans ça. Je regarde les gens qui sont devant. Ces clubs qui mettent des milliards dans le basket. Aujourd’hui, nous on ne met même pas des centaines de millions et tout le monde parle. Les gens se doivent tirer vers le haut. Si on veut qu’on ait des résultats, il faut regarder ces clubs‐là. Al Ahli Tripoli est un exemple. Un club qui a mis les moyens en allant chercher les meilleurs joueurs pour gagner la BAL. Cela a eu un impact sur la cohésion nationale avec des millions de fans dans les rues de Tripoli au‐delà de l’aspect sportif et financier. C’est ce que nous recherchons. Arrêtons ces choses‐là, regardons les gens qui sont devant au lieu de regarder derrière. C’est valable pour le basketball et dans les autres disciplines comme le football. Nos clubs de football en Ligue des champions, on n’existe même pas. On peine à accéder en phase de groupes. Au Sé‐ négal, on ne parle que de moyens, mais c’est quoi ce débat. Les gens doivent être fiers qu’on puisse attirer les meilleurs joueurs, les meilleurs encadrements pour aller gagner. Mais si on veut aller gagner et être dans le misérabilisme, on n’ira nulle part. Je ne suis pas dans le sport pour gagner de l’argent. On est là parce qu’on a une mission. On croit que le sport est aussi important que les autres activités économiques du pays. Le sport est aussi important que l’agriculture, le commerce, l’artisanat. C’est une industrie, c’est du business. Les gens doivent accepter d’investir dans le sport pour aller de l’avant. On doit arrêter ce misérabilisme. Ma référence, ce ne sont pas les clubs de quartier, mais grands d’Afrique.
Quels seront les grands chantiers, la saison prochaine ?
C’est d’essayer de construire une équipe qui puisse rivaliser les grands d’Afrique. Que ce soit chez les filles ou les garçons. C’est l’objectif du club. On n’a plus rien à prouver au Sénégal. C’est la personne morale de la Fédération qui devait nous aider dans cette conquête de l’Afrique. Ce serait merveilleuse pour le basket sénégalais d’avoir des clubs qui bril‐ lent en Afrique.
Quelques‐unes de vos joueuses sont appelées pour l’Afrobasket féminin. Un symbole du travail accompli ?
Oui, c’est une fierté. Je pense qu’il y a quatre qui ont été présélectionnées. Il y a Diouma Berthé (Côte d’Ivoire), les Maliennes Foune Sissoko et Élisabeth Dabou, sans oublier Fatou Pouye. Bien que nous savions que nous avions d’autres filles qui pouvaient valablement être présélectionnées dans l’équipe nationale du Sénégal. Mais comme je l’ai dit, si la fédération ne croit pas au basket local, les sélectionneurs, j’en parlerai même pas. Nous continuerons à faire notre travail pour encadrer ces jeunes filles pour qu’elles puissent gagner leur vie. En tout cas, on va continuer le travail parce que c’est quelque chose que nous croyons. Tant que les autorités municipales seront là et prêtes à nous appuyer, on va continuer le travail pour le rayonnement du basket.
Mor Bassine Niang/record
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